PECHEURS DE PERLES
et musiciens
DU GOLFE PERSIQUE
Enregistrements sonores
et photographies réalisés |
par Poul Rovsing Olsen
rN
1 - Chants des pécheurs de perles
Muharraq (Bahrein)
ee
- Taqsim
- Musique de mariage Baloutchi
- Lyre et chant
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- Musique pour cornemuse et tambours
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OFFICE DE RADIODIFFUSION-TELEVISION FRANGAISE
Photo couverture : bateau de pécheurs.
PECHEURS DE PERLES
et musiciens
DU GOLFE PERSIQUE
Plage 2- MUSIQUE DE MARIAGE BALOUTCHI, enregistrée a
Shardja (Trucial Coast) le 27 décembre 1962.
Le présent enregistrement a été réalisé dans la cour d’une
maison en feuilles de palmier barasti dans la banlieue de Shardja, a la
veille d’un mariage. Les musiciens répétaient; le lendemain ils condui-
sirent le cortege a travers rues et ruelles de Shardja. Les femmes non
voilées (contrairement aux coutumes arabes de la région) dansaient aux
rythmes de l’orchestre composé de (cf. photo 3) :
— un surnai (hautbois cénique a six trous dont |’étendue
approche les deux octaves). On rencontre fréquemment cet instrument
dans les régions islamisées bien que dans les pays riverains du Golfe
Persique il ne soit que rarement, sinon jamais, joué par des Arabes.
— deux tabl (tambour a deux peaux lacées; une peau battue
avec une baguette, ]’autre avec la main).
Plage 3 - LYRE ET CHANT par Kafur Moubarek, enregistré a
Manama (Bahrein) le 23 janvier 1963.
De nos jours, la lyre n’est guére utilisée que par les Africains
de l'Est ; on trouve des lyres en Arabie Séoudite et dans plusieurs émirats
du Golfe Persique mais les musiciens qui s’en servent sont toujours des
Africains d’origine Soudanaise. L’instrument semble étre originaire du
Soudan ou il est connu sous le nom de tanbour.
Dans les émirats du Golfe Persique la lyre s’appelle tanboura ;
elle comporte six cordes (qui peuvent étre accordées de différentes ma-
niéres). Le musicien .place l’instrument perpendiculairement a lui et
ébranle les cordes avec ses ongles (trois cordes jouées par la main gauche,
les trois autres par la main droite). Un grand plectre en corne est attaché
a l’instrument, mais il ne semble pas qu’on [utilise jamais pour faire
sonner les cordes.
Ici, la lyre mesure plus d’un métre vingt du joug a la partie
extréme de la caisse de résonance. La caisse de résonance en bois, hémis-
phérique, est recouverte d’une peau de chévre lacée. Les cordes en boyau
sont tendues entre le joug et la caisse de résonance; leur tension est
réglable en tournant plus ou moins les anneaux de coton qui s’enroulent
avec la corde autour du joug (cf. photo 4).
Le tanboura accompagne toujours un cycle de mélodies. Dans
le court exemple présenté ici il n’y a que deux meélodies: la premiére
conclut selon la tradition par une sorte de coda (aprés avoir joué
quelques strophes, le musicien termine en ne donnant que la seconde
moitié). L’instrumentiste Kafur Moubarek, Luthier Soudanais de Bahrein,
joue sur l’instrument qu’il a construit luiméme et dont il donne ici une
démonstration. I] chante en murmurant un poéme d’amour.
Plage 4 - MUSIQUE POUR CORNEMUSE ET TAMBOURS, enre-
gistrée a Manama (Bahrein) le 14 décembre 1962.
’ On appelle parfois la cornemuse de Koweit et de Bahrein
« cornemuse persane ». S’il est vrai que cet instrument appartient plus
particuliérement aux minorités iraniennes, le nom qu'il porte couram-
ment a Bahrein est cependant djirbe.
Le djirbe comprend un réservoir d’air en peau de chévre commu-
niquant avec une double clarinette 4 six trous doubles. Il ne comporte
pas de tuyau de bourdon.
Quatre grands tambours 4 deux peaux lacées tabl et un petit,
accompagnent ici le djirbe (cf. photos 5-6).
Lors des grandes festivités le joueur de djirbe danse et fait parfois
des clowneries, mettant par exemple l’instrument sur sa téte tout en
jouant. Comme il est d’usage dans une grande partie de la musique
instrumentale de la région, le djirbe commence par un solo sans accom-
pagnement. Quand il se fixe sur la mélodie, les tambours entrent en
jeu sur un rythme binaire assez simple. Tandis que le tempo s’accélére
lentement, le joueur de djirbe (Rajab bin Khamis) fait des variations de
plus en plus poussées sur la mélodie de base. De temps en temps, les
tambourinaires s’exclament..
Poul ROVSING OLSEN
(Juillet 1968)
“Vrack 2 - BALUCHI WEDDING MUSIC, recorded in Sharjah (Trucial
Coast) on 27 December 1962.
This recording was made in the courtyard of a house constructed
from palm leaves barasti in the outskirts of Sharjah, on the eve of a
wedding. The musicians were rehearsing; the following day they led
the procession through the streets and alleys of Sharjah. The women, who
were not veiled (contrary to the Arab customs of the region), danced to
the rhythms of the orchestra (cf. photo 3) composed of :
— a surnai (conical oboe with 6 holes and a range of almost 2
octaves). This instrument is found frequently in Islamised regions, al-
though in the countries bordering the Persian Gulf it is rarely, if ever,
played by Arabs.
— 2 tabl (drums with two laced skins ; one skin is beaten with
a stick, the other with the hand).
Track 3 - LYRE AND SONG by Kafur Moubarek, recorded in Manama
(Bahrain) on 23 January 1963.
Nowadays the lyre is rarely used, except by the East Africans ;
lyres may be found in Saudi Arabia and several sheikhdoms of the Persian
Gulf but the musicians who play them are always Africans of Sudanese
origin. The instrument would appear to originate from the Sudan, where
it is known by the name of tanbour.
In the Persian Gulf sheikhdoms the lyre is called tanboura ; it
comprises 6 strings (which may be tuned in different ways). The must-
cian places the instrument perpendicularly to himself and plucks the
strings with his finger-nails (3 strings are played with the left hand, the
other 3 with the right). A large horn plectrum is attached to the instru-
ment but it seems that it is never used to pluck the strings.
Here, the lyre measures over 1 metre 20 from the yoke to the far-
thest end of the sound-box. The wooden, hemispheric sound-box 1s covered
with a laced goatskin. The strings, which are made of gut, are stretched
between the yoke and the sound-box ; their tension is regulated by
turning the cotton rings which are coiled with the strings around the yoke
(cf. photo 4).
The tanboura always accompanies a cycle of tunes. In the short
example presented here there are only two tunes; the first concludes,
traditionally, with a sort of coda (after having played a few strophes, the
musician ends by ‘performing only the second half). The player, Kafur
Moubarek, a Sudanese stringed-instrument maker from Bahrain, is giving
a demonstration of the instrument which he has made himself. He sings
a love poem in a murmur.
Track 4 - MUSIC FOR BAGPIPE AND DRUMS, recorded in Manama
(Bahrain) on 14 December 1962.
The bagpipe of Kuwait and Bahrain is sometimes called a « per-
sian bagpipe ». Although it is true the instrument belongs more particu-
larly to the Iranian minorities, the name by which it is commonly known
in Bahrain is jirbe.
The jirbe is composed of a goatskin reservoir of air, communi-
cating with a double clarinet which has 6 double holes. It has no drone.
Four tabl, large drums with two laced skins, and a small drum are used
here to accompany the jirbe (cf. photo 5-6).
On the occasion of important festivals the jirbe player dances
and sometimes plays the clown, placing the instrument on his head while
playing, for example. As is customary in a major part of the instrumental
music of the region, the jirbe begins with an unaccompanied solo. When
it settles into the melody the drums begin to play a fairly simple binary
rhythm. As the tempo slowly accelerates the jirbe player (Rajab bin Kha-
mis) performs increasingly elaborate variations on the basic melody. The
drummers shout from time to time.
Translated from French by J. Bennett
Avec le présent disque-album, c'est la premiére fois que des
enregistrements sonores se rapportant 4 la musique des émirats Arabes
du Golfe Persique, sont publiés en Occident. Ces documents ont été
recueillis lors d’une mission musicologique effectuée en hiver 1962/1963
a Bahrein et a Shardja.
‘He de Bahrein est un émirat sous protectorat britannique,
d’environ 150.000 habitants. C’est probablement 1a que se situe le fabu-
leux Dilmun, paradis terrestre des Sumériens; dans cette région déser-
tique de pierres et de sable, la flore quasi-tropicale qu’on rencontre
dans la partie septentrionale de lile suggére assez bien, en effet, l’in-
tervention divine. L’artisanat est toujours resté bien vivant: par exem-
ple a Ali, village de potiers, et 4 Beni-Jamra, village de tisseurs. La
péche aux huitres perliéres se pratique autour de Bahrein qui était
autrefois le centre incontesté du commerce des perles. En 1933 on a
trouvé du pétrole dans le sous-sol terrestre et marin de Bahrein ; depuis,
la vie s’occidentalise lentement, calmement, prudemment. La popula-
tion est composée de Baharnas (originaires de Vile), de Bahrainis (d’ori-
gine Arabe) et de plusieurs groupes d’étrangers (Iraniens, Indiens,
Africains, Omaniens) .
Shardja est un des émirats du Trucial Oman, autrefois nommé
Cote des Pirates: ces émirats qui s’étalent sur une grande partie de la
cote occidentale de la péninsule d’Oman, sont eux aussi, des protec-
torats britanniques. Shardja comprend une ville assez importante et une
partie désertique. On y trouve plusieurs groupes de Bédouins et, parmi
les sédentaires, des Baloutchis. Les qualités des émigrants du Balout-
chistan ont été particuligrement appréciées dans le golfe, pendant des
siécles: récemment encore de nombreux émirs avaient des gardes du
corps Baloutchis, réputés pour leur loyauté et leur courage.
La musique de la région du Golfe Persique est d’une variété
impressionnante. Les différences sont marquées entre les styles citadins
et ceux du désert ou des villages, entre ceux des marins et ceux des
artisans et des cultivateurs; d’autre part, chaque groupe d’étrangers a
conservé les traditions musicales de son pays d’origine. Dans quelques
villes, et tout d’abord &4 Manama (capitale de Bahrein), le luth oud
est trés populaire: il accompagne, le plus souvent avec des tambours,
danses et thants d’Iraq, du Yémen, de Bahrein, etc. Lors des grandes
fétes publiques, comme pour beaucoup de mariages, on exécute des dan-
ses de guerre appelées ardha a Bahrein et ayale a Shardja : deux choeurs
alternés chantent accompagnés par un groupe de tambours. Les pécheurs
de perles ont des chants pour plusieurs solistes et cheeur. Chez les
Bédouins, on rencontre un style vocal trés particulier, notamment dans
les chants exécutés par plusieurs hommes, l'un aprés l’autre (avec tui-
lage), lors des voyages dans le désert. Les instruments du désert sont
la viele monocorde rababah, la double clarinette zummara ou djifti, divers
tambours et une paire de cymbalettes tasi.
On trouve chez les Africains, le hautbois cénique surnai, une
lyre et des tambours. Le surnai est le meneur de jeu des cérémonies
de danses appelées leiwah. Chez les Baloutchis, le swrnai dont le registre
est plus étendu dans l’aigu est utilisé principalement a l'occasion de
marlages.
Les Indiens et les Pakistanais ont leurs propres instruments de
musique; les Pathans se servent de préférence d’une sorte de viele a
cordes sympathiques, les Iraniens d’une cornemuse.
Ce disque-album ne donne que quelques exemples de la variété
musicale qui vient d’étre évoquée. Il permet cependant de se faire une
idée, dans une premiére publication, de genres trés représentatifs de la
musique du Golfe Persique.
This particular record album presents the first sound recordings
of the music of the Arab Sheikhdoms of the Persian Gulf to be published
in the West. These documents were collected during a musicological
mission to Bahrain and Sharjah, undertaken in the winter of 1962/1963.
The island of Bahrain is a British protected Sheikhdom of some
150,000 inhabitants. It is probably the site of the fabulous Dilmun, the
earthly paradise of the Sumerians ; indeed, in this desert region of stones
and sand, the semi- tropical flora of the northern part of the island brings
vividly to mind the notion of divine intervention. Craftsmanship has
remained very much alive: for example, in Ali, a village of potters
and in Beni-Jamra, a village of weavers. Pearl oyster fishing is practised
around Bahrain which was formerly the undisputed centre of the pearl
trade. In 1933 petrol was found in the subsoil, of Bahrain, both on land
and below the sea; since that time the way of life there is becoming
slowly, quietly and prudently more and more westernized. The population
is composed of Baharnas (the original inhabitants of the island), Bahrainis
(of Arab-origin) and several groups of foreigners (Iranians, Indians,
Africans, Omanians) .
Sharjah is one of the Sheikhdoms of Trucial Oman, formerly
known as the Pirate Coast; these Sheikhdoms, extending along ‘a large
part of the western coast of the Oman Peninsula, are also British Protec-
torates. Sharjah consists of one fairly large town and a desert area. Several
Bedouin groups are to be found there and the sedentary peoples include
Baluchis. For centuries the qualities of the immigrants from Baluchistan
have been particularly appreciated in the Gulf: until quite recently many
Sheikhs had Baluchi body-guards, renowned for their loyalty and courage.
The music of the Persian Gulf region is impressive in its variety.
There are marked differences between the styles of the towns and those
of the desert and the villages ; between those of the sailors and those of
the craftsmen and farmers ; then again, each group of foreigners has pre-
served the musical traditions of its country of origin. In some towns,
notably in Manama (the capital of Bahrain), the oud lute is very popular ;
it is used, usually with drums, to accompany dances and songs from Iraq,
Yemen, Bahrain, etc. During the big public festivities, and at many mar-
riages, war dances known in Bahrain as ardha and in Sharjah as ayale
are performed : two choirs sing in turn, accompanied by a group of drums.
The pearl divers have songs for several soloists and choir. A most unusual
vocal style exists among the Bedouin, particularly in the songs performed
by several men, one after the other (with overlapping) during journeys
in the desert. The instruments used in the desert are the one-stringed
fiddle, rababah, the double clarinet, zammara or jifti, various drums and
a pair of small cymbals, tasi.
Among the Africans one finds the conical oboe, surnai, a lyre and
drums. The surnai is the leading instrument in the dance ceremonies
called leiwah. The surnai used by the Baluchis, which has a wider range
in the upper register, is played mainly at weddings. The Indians and
Pakistanis have their own musical instruments ; the Pathans favour a sort
of fiddle with sympathetic strings and the Iranians use bagpipes.
This record album gives only a few examples of the musical va-
riety to which reference has just been made. However, as the first publi-
cation of its kind, it does give an idea of some of the styles which are
typical of the music of the Persian Gulf.
3. — Lyre tanboura
(B-3).
PACE IA
Plage 1 - CHANTS DES PECHEURS DE PERLES, enregistrés a
Muharragq (Bahrein) le 10 décembre 1962.
La péche aux perles se pratiquait déja il y a 4.000 ans dans le
Golfe Persique. On peut ainsi penser que «les yeux de poisson venant
de Dilmun » auxquels fait allusion une inscription Assyrienne, sont trés
probablement les perles de Bahrein. Du 19¢ siecle au début du 20° siécle,
il n’était pas rare que plus de mille bateaux participassent chaque année
a la péche. Le déclin commenga en 1930, alors que la concurrence des
perles de culture japonaises se faisait sentir; en 1930, on enregistrait
encore plus de 500 bateaux et une vingtaine de milliers d’hommes en
partance pour la.péche, alors qu’en 1948 il n’y avait plus que 83 bateaux
et 2000 hommes. De nos jours, quelques dizaines de bateaux seulement
continuent la tradition.
La grande saison de la péche, gaus-al-kabir, a lieu de juin a
début octobre, avant et apres c’est le gaus-al-bard, saison froide au cours
de laquelle la péche se pratique tant que le climat le permet. A bord
de chaque bateau prennent place; le capitaine, les plongeurs, les saibs
(qui aident les plongeurs dans leur travail), et plusieurs nahams (1 a 4)
dont le rédle exclusif est d’encourager et de divertir plongeurs et saibs en
chantant. Ces hommes viennent de toutes les parties du Golfe Persique
mais surtout de Bahrein et en particulier du grand village de Hidd.
Le dialecte qu’utilise ces hommes s’est créé au cours des siécles a partir
d’éléments d’origines différentes ; il n’est que partiellement compris par
le reste de la population.
De nombreux chants sont liés aux différentes phases de la péche
aux perles: les nahams chantent au lever de l’ancre, quand on rame
pour sortir du port, quand on hisse les voiles, quand les hommes plon-
gent a la recherche des huitres perlieres et lorsqu’on ouvre les huitres.
Un tambour et des cymbalettes peuvent accompagner occasionnellement
certains de ces chants qui sont souvent appelés nahamis. Les nahams
chantent en solistes, l’un aprés l’autre, tandis que les saibs (et souvent
les plongeurs) émettent un bourdon dans |’extréme grave, plus de deux
octaves au-dessous du registre du soliste.
Ce bourdon vocal est un phénomeéne assez surprenant. I] est
vrai qu’on rencontre des bourdons vocaux dans beaucoup de régions
européennes et asiatiques, jusqu’en Océanie, mais l’emplacement dans
lextréme grave semble bien étre un fait exceptionnel. Le bourdon se
manifeste de plusieurs maniéres: parfois réguli¢rement, en une*émission
continue, d’un bout a l’autre du nahami, parfois épisodiquement, entre
les phrases du soliste comme une sorte de prolongement de la phrase
chantée. Dans certains cas le choeur esquisse un mouvement lent et
confus, comme un calque grossier de la courbe mélodique donnée par
le soliste. Il arrive aussi que l’accompagnement choral se manifeste par
de grandes exclamations poussées pendant les silences du soliste.
Quelle est la fonction de ce bourdon ?
Rien n’est stir mais quelques idées sont permises. I] est d’abord
raisonnable de rappeler que pour un saib ou un plongeur il est hors de
question d’écouter passivement chanter un soliste; il faut que chacun
participe 4 la musique d’une maniére ou d’une autre et, quand on
travaille, c’est en chantant qu’on peut le faire le plus aisément. D’autre
part il faut remarquer qu’une certaine horreur du vide (« horror vacui »)
est assez répandue chez les riverains du Golfe Persique, d’ou, non seule-
ment la technique des joueurs de zummara et de surnai qui permet
dinspirer par le nez tout en soufflant (technique répandue « grosso.
modo » dans tous les pays influencés par |’Islam), mais aussi les duos de
Bédouins qui ne permettent aucune pause. Le bourdon des nahamis
comble les vides. Ajoutons que quelques-uns au moins des chanteurs
considerent que les exclamations violentes sont la conséquence naturelle
des gestes du travail (ramer, hisser les voiles, etc...) et forment |’essentiel
du bourdon.
SIDE A
Track 1 - SONGS OF THE PEARL DIVERS, recorded in Muharraq
(Bahrain) on 10 December 1962.
Pearl diving in the Persian Gulf dates back more than 4.000
years. One may, therefore, conclude that the « fishes’ eyes from Dilmun »
referred to in an Assyrian inscription are in all probability the pearls of
Bahrain. From the 19th century until the beginning of the 20th century
it was not unusual for more than a thousand boats to take part in the
diving each year. The decline began in 1930 when the competition from
Japanese cultured pearls began to make itself felt ; in 1930 more than
500 boats and some twenty thousand men were recorded as setting out to
dive, while in 1948 there were only 83 boats and 2,000 men. Today only
a few dozen boats carry on the tradition.
The high season diving, gaus-al-kabir, takes place from June
until the beginning of October ; before and after this period is the gaus-
al-bard, the cold season, during which fishing takes place as and when
weather permits. Each boat has on board the captain, the divers, the
saibs (who assist the divers in their work) and several nahams (1 to 4)
whose exclusive role is to encourage and entertain the divers and satbs
by singing. These men come from all parts of the Persian Gulf, but
chiefly from Bahrain and, in particular, the large village of Hidd. The
dialect used by these men has been formed over the centuries from
elements of differing origins and cannot fully be understood by the rest
of the population.
Numerous songs are connected with the various stages of pearl
diving : the nahams sing when the anchor is raised, while the men row
out of the port, when the sails are hoisted, when the men dive to look
for the pearl oysters and while the oysters are opened. Occasionally a
drum and small cymbals may accompany certain songs, which are often
called nahamis. The nahams sing solo, one after another, while the saibs
(and frequently the divers) produce a drone in a very low pitch, more
than two octaves below the register of the soloist.
This drone is rather a surprising phenomenon. It is true that
vocal drone may be encountered in many European and Asiatic areas, as
far as the South Sea Islands, but the fact that it is situated in such a low
register would seem to be exceptional. The drone takes several forms : it
is sometimes regular, being emitted continuously throughout the nahami ;
sometimes episodic, inserted between the phrases of the soloist, rather like
a continuation of the vocal phrase. In some cases the choir sketches in a
slow, indistinct movement, as it were a crude imitation of the melody line
performed by the soloist. The choral accompaniment may also take the
form of loud exclamations always uttered while the soloist is silent.
What is the function of this drone ?
Nothing is certain, but several theories may be permitted. In the
first place, it is reasonable to recall that it is out of the question for a
saib or diver to listen passively to a soloist singing; everyone must
participate in the music in some way or other, and singing ts the most
adequate way while working. Again, it is important to realize that there
is a widespread horror of the void (« horror vacui ») among the people
living along the Persian Gulf, which not only explains the technique of
the zuammara and surnai players, who inhale through the nose while
blowing (a technique which may, generally speaking, be found in all the
countries influenced by Islam), but also accounts for the Bedouin duets
in which no rests are tolerated. The drone of the nahamis fills in the
spaces. It may be added that at least some of the singers are of the opinion
that the violent exclamations ave the natural consequence of the move-
ments performed during the work (rowing, hoisting the sails, etc.) and
represent the essence of the drone.
Chaque nahami comprend un nombre limité de cellules mélo-
diques que les solistes traitent assez librement. En général, une de ces
cellules est relativement stable tandis que les autres connaissent des
variations. I] y a néanmoins des exceptions a la régle.
Les mots ya mal qui signifient littéralement « O richesse » mais
qui ne sont en vérité qu’une formule, introduisent, dans l’exemple enre-
gistré, les trois nahams qui chantent une fois l’un aprés l’autre. On
remarquera. que chacun des trois solistes développe son chant sur un ou
plusieurs motifs caractéristiques, différents pour chaque chanteur. Les
mélodies dont la courbe longue et raffinée est invariablement descen-
dante, s’inscrivent essentiellement a l’intérieur d’une quarte ou d’une
quinte.
Depuis fort longtemps, peut-étre depuis des siécles, les pécheurs
de perles de Bahrein se rassemblent réguliérement en hiver pour chanter.
L’exemple présenté ici, enregistré dans une maison communautaire de
Muharraq est un khrob, c’est-a-dire un chant qu’on exécute en principe
en ramant; il se termine, selon la tradition des nahamis par un bref
chant de travail ot! le chceur, subitement, expose une mélodie des plus
simples qui s’enchaine avec un nouvel air dont on n’entend ici que le
début.
Les nahams Bohaled, Ahmed Bolobanye, Jasem Abdraman sont
accompagnés par un choeur de pécheurs de perles, un tambour en forme
de tonneau, 4 deux peaux lacées tabl, une paire de cymbalettes tasi et
des battements de mains.
FACE B
Plage 1 - TAQSIM (maqam rast) enregistré le 7 décembre 1962 a
Manama (Bahrein).
Un taqsim est un prélude (littéralement, une partie d’une chose)
exécuté en rythme libre avec des alternances fréquentes et irréguliéres
de groupements rythmiques a deux, trois et parfois quatre temps.
Un tagsim comprend en général deux parties ; la deuxiéme partie donne
lieu souvent a des variations modales et, en général, a l’énoncé d’une
longue mélodie au rythme régulier, avec bourdon.
Le taqsim exécuté ici par Salim Ahmed est certes moins raffiné
que les taqsim que jouent les meilleurs musiciens Egyptiens ou Syriens.
I] est cependant remarquable par sa vitalité, par une vigueur qui ne se
soucie guére des variations et des développements ingénieux, par la mat-
trise de la forme et l’originalité captivante du jeu. L’instrument dont se
sert le musicien est un luth oud a cing double cordes (comme toujours
dans le Golfe Persique) accordées de bas en haut conformément a un
schéma d’intervalles qui pourrait étre par exemple basé sur sol-la-ré-sol-do
(les hauteurs absolues correspondant aux cordes peuvent varier légére-
ment d’un musicien a l’autre, les rapports d’intervalles restant fixes).
Les cordes sont ébranlées a aide d’un plectre en plume d’aigle.
Dans le Golfe Persique, c’est 4 Bahrein surtout que le oud est
devenu populaire, apparemment sous l’influence du cheik-poéte Moham-
med Farés, mort il y a une vingtaine d’années. A Manama, la plupart
des jeunes joueurs de oud ont appris le métier en imitant leurs ainés ;
il n’y a d’ailleurs que peu de luthistes professionnels.
Le oud est un instrument qui convient mieux a lintimité du
foyer ou par exemple 4 une réception chez un homme riche, qu’aux
endroits publics.
La notion de maqam se rapproche de celle de « mode musical ».
Grosso modo un magam est caractérisé par une échelle, un mode, des
tournures mélodiques et une signification expressive déterminée. Le rast
est un des maqam de base: il exprime la mesure, ]’équilibre.
Each nahami consists of a limited number of melodic cells which
the soloists treat quite freely. Generally, one of these cells is relatively
stable, whereas the others form the basis for variations. There are, never-
theless, exceptions to the rule.
The words ya mal which literally mean « Oh wealth » but are
in fact merely a formula, introduce, in the example recorded the three
nahams who sing once in succession. It will be noted that each soloist
develops his song on one or more characteristic motifs, which are different
for each singer. The long, subtle melodic lines, which invariably have a
descending curve, are essentially inscribed within a fourth or a fifth.
For a very long time, perhaps for centuries, the pearl divers of
Bahrain have gathered regularly in the winter to sing. The example pre-
sented here, recorded in a communal. house in Muharraq, is a khrob, 7. e.
a song performed as a rule while rowing ; it concludes, according to the
nahami tradition, with a brief work song in which the choir unexpectedly
performs the simplest of melodies which is linked to a new tune, of which
only the beginning is heard here.
The nahams Bohaled, Ahmed Bolobanye and Jasem Abdraman
are accompanied by a choir of pearl divers, a barrel-shaped drum with
two laced skins, tabl, a pair of small cymbals, tasi and clapping of hands.
SIDE B
Track 1 - TAQSIM (maqam rast) recorded on 7 December 1962 at
Manama (Bahrain).
A taqsim is a prelude (literally a part of a thing) performed in
free rhythm, with frequent and irregular alternations of rhythmic groups
in 2, 3 and Sometimes 4 times.
A taqsim usually consists of two parts; the second part often
gives rise to modal variations and in general to the statement of a long
melody, in regular rhythm, with drone.
The taqsim performed here by Salim Ahmed is certainly less
subtle than the taqsim played by the best Egyptian or Syrian musicians.
It is distinguished, however, by its vitality, by a vigour which shows little
concern for variations and clever developments, by the mastery of form
and the enchanting originality of execution. The instrument used by the
musician is an oud lute with 5 double strings (as is usual in the Persian
Gulf) tuned from the bottom to the top according to a pattern of inter-
vals based, for example, on G, A, D, G, C (the absolute pitch correspon-
ding to each string may vary slightly from one musician to another, but
the relationship of the intervals remains fixed). The strings are plucked
by means of a plectrum made from an eagle’s feather.
In the Persian Gulf it is in Bahrain especially that the oud has
become popular, apparently due to the influence of the sheikh-poet Mo-
hammed Fares, who died about 20 years ago. In Manama most of the
young oud players have learnt their craft by imitating their elders ;
moreover, there are very few professional lute players.
The oud ts an instrument which is better suited to the intimacy
of the home or, for example, to a reception at a rich man’s house, rather
than to public places.
The concept of maqam approximates to that of the « musical
mode ». In brief, a maqam is characterized by a.scale, a mode, melodic
motifs and a specific expressive signification. The rast is one of the basic
maqam and expresses restraint or balance.
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